1665 - Eléments de l’esprit universel de Leonardo da Vinci
N. Lygeros
Même s’il est désormais incontestable que Leonardo de Vinci soit un génie universel, il est malgré tout difficile d’établir clairement les preuves de cette caractérisation. Car dans quel domaine de compétence devons-nous rechercher ces éléments, si ce n’est dans l’ensemble de son œuvre? Comment déceler son génie universel sans avoir une vision holistique? Ce défi semble irréalisable et ce par définition. Pourtant ce serait oublier les choix de Leonardo da Vinci lui-même. Car en matière de peinture qu’il considère comme une synthèse même si elle ne représente pas son ultime but, il fait un choix qui aide notre analyse. En effet comme le remarque les spécialistes, il recherche l’intégration des figures dans le paysage et en ce sens, il va à l’encontre d’artistes comme Pollaiulo et Van Eyck qui n’utilisent le fond que comme un décor même si celui-ci est extrêmement complexe et peint avec minutie. Leonardo da Vinci effectue une véritable fusion qui va dans le sens d’une vision que nous pourrions qualifier de cosmique. Chaque détail a son importance et est traité comme un constituant à part entière de l’œuvre. En réalité celle-ci n’est pas un ensemble mais bien un assemblage raisonné et structuré. Nous retrouvons à travers son art pictural, son intérêt pour la variété infinie des êtres qui constituent la nature. Il mesure avec précision et passion les effets de celle-ci. Aussi il traite avec une égale précision le moindre détail de paysage et les traits des principaux personnages. Il n’y a donc rien de byzantin dans son approche puisque le décor est un élément à part entière. Il serait d’ailleurs plus juste de dire que le décor via le traitement de la lumière permet d’englober et même d’absorber des éléments que nous considérerions comme plus importants si nous avions une approche classique de cette problématique. Pour Leonardo da Vinci le décor ne peut être qu’une partie de l’Univers sans que cela nécessite un réalisme de sa part. L’important n’est point tellement son existence mais son action sur le monde. En absorbant les lignes mélodiques classiques dans un cadre plus général et plus complexe, structurellement parlant, Leonardo da Vinci parvient à nous faire percevoir sa vision du monde qui semble, si l’anachronisme nous était permis, cybernétique. Rien n’est laissé au hasard. Chaque élément a un rôle à jouer dans cette mise en scène que constitue l’œuvre dans son ensemble. Nous ne devons donc pas nous contenter d’analyser les personnages pour comprendre la complexité de sa pensée. Sinon nous sommes restreints par nos propres limites d’interprétation. Il est plus judicieux d’accepter l’apprentissage du maître à travers son parcours initiatique qu passe nécessairement par le décor qui est unifié plutôt que de vouloir à tout prix lui imposer notre propre interprétation. L’art de Leonardo da Vinci n’est pas cryptique, il est profond et nécessite le temps. L’approche directe est vouée à l’échec. Car sa vision est autre. Il faut pénétrer dans l’univers qu’il construit afin de voir les matériaux de construction, et les éléments structurels de son œuvre. Sinon l’enchevêtrement des données rend la résolution du problème herméneutique impossible mais pas en raison de l’insolubilité du problème.