1591 - Le génie militaire de Leonardo da Vinci
N. Lygeros
Grâce aux notes d’Edward Mac Curdy sur le Codice Atlantico de Leonardo da Vinci, nous savons que le sénat vénitien dépêcha Alvise Manetti en ambassade aux Turcs, mission qui s’étendit d’Octobre 1499 à fin Mars 1500, pour négocier la restitution des prisonniers vénitiens envoyés de Constantinople à Lépante après la prise de cette place forte par les Turcs, en Août 1499. Déjà en Février 1500 un message d’Alvise Manetti était arrivé à Venise d’où il ressortait que ses efforts ne semblaient pas appelés à réussir. Ce fut vraisemblablement environ à cette époque, toujours selon Mac Curdy que Leonardo da Vinci, alors à Venise, chercha le moyen d’assurer la libération de prisonniers par l’entremise d’Alvise Manetti, et conçut un plan pour détruire les vaisseaux ennemis dans le port en les perçant en dessous de la ligne de flottaison. En réalité le Codice Atlantico (cf. C.A. 333 v.a. et C.A. 346 r.a. et v.a.) démontre que Leonardo da Vinci a préparé cette attaque sous-marine avec grande minutie. Il aurait pu se contenter de conseils généraux comme : « N’enseigne point ta science et seul tu excelleras. Fais choix d’un jouvenceau simple, et que le costume soit cousu à la main.
Arrête les galères capitanes, coule les autres et tire le canon contre le fond. »
Cependant ce n’est pas le cas, Leonardo da Vinci précise absolument tout.
« Entends-toi au sujet de la convention : comment la moitié de la rançon sera pour toi sans prélèvement ; le dépôt des prisons est près de (chez) Manetti et le paiement pourra être fait entre les mains de Manetti, je parle de la susdite rançon. «
Il prévoit l’ensemble de l’appareil d’un scaphandrier :
« Un masque avec les yeux protubérants en verre ; mais aie soin que son poids soit tel que tu puisses le soulever en nageant. »
« Emporte un couteau bien tranchant, de crainte qu’un filet ne te retienne captif. Emporte avec toi deux ou trois petites outres, dégonflées et susceptibles d’être au besoin gonflées comme des balles. »
Et même si l’idée est simple : « Je détruirai le port. »
« Si vous ne vous rendez pas d’ici quatre heures, vous serez coulés. »
Leonardo da Vinci explicite la manœuvre dans ses moindres détails. Tout d’abord la protection :
« Au cas où tu aurais à opérer en mer, fabrique une armure en cuivre, en superposant les plaques comme suit : (dessin) c’est-à-dire qu’elles soient imbriquées pour éviter que ne t’agrippe un crochet. »
Ensuite les précautions à prendre :
« Mesure d’abord la profondeur, et si tu la trouves suffisante pour pratiquer un simple trou sans couler le navire, continue ainsi. » Enfin la méthode : « Rames. Le levier, douze brasses. Douze. Pour le tour final, il te faudra un levier courbe. Si tu veux tourner cette vis, emploie une paire de brodequins à talons ou crochets, pour que ton pied reste ferme. »
Quant à l’approche, il développe la technique :
« Fais mettre un clapet dans l’outre ; une fois dégonflée, elle coulera au fond où tu stationnes et les mains serviront de rames. A la façon d’ailes. »
Le génie de Leonardo da Vinci est universel même dans le détail.