1546 - La combativité de la justice
N. Lygeros
Travailler pour la paix ne signifie pas nécessairement que l’on doive être dépourvu de combativité. Dans le cas précis d’une lutte contre les conséquences d’une violation des droits de l’homme, cette combativité est nécessaire et doit être exemplaire. Car la population a subi un traumatisme qu’elle ne peut dépasser sans points de repère. Dans le cas de situations extrêmes comme celle du génocide, les points de référence caractérisent la lutte pour la reconnaissance. La population dans son ensemble désire aider la cause sans savoir obligatoirement ce qu’elle peut faire. Nous ne pouvons pas demander à chaque homme de devenir un combattant comme nous ne pouvons demander à chaque combattant de devenir un héros. La reconnaissance du génocide des Arméniens est une œuvre collective aussi chacun peut participer à sa manière même si celle-ci n’est pas équivalente aux autres. L’important c’est de prendre part à cette lutte non seulement par devoir de mémoire mais surtout par nécessité du futur.
Un peuple, même s’il a subi toutes les misères du monde ne perd pas sa dignité. Aussi il ne peut se contenter d’une vie misérable et nul ne peut forcer un peuple à vivre une vie misérable. La lutte pour la reconnaissance du génocide des Arméniens, sert d’exemple pour d’autres peuples. Et la grandeur d’un peuple ne provient pas seulement de sa souffrance mais aussi de sa résistance face à l’oppression. De nombreux Arméniens sont nés libres car leurs ancêtres se sont exilés. Cependant il ne faut pas considérer qu’ils leur doivent quelque chose, car ils sont la continuation de leurs ancêtres. A travers les yeux des petits enfants, les hommes voient leurs grands-parents. Et ces petits enfants doivent connaître leur passé, si nous voulons qu’ils nous offrent l’avenir. Aussi il ne faut pas se contenter d’être Arménien, il faut aussi le devenir à travers son œuvre et sa participation à cette lutte collective. Le petit enfant qui apporte à l’école la traduction du carnet de son arrière-grand-père, est lui aussi un résistant de mémoire. Certes il ne lutte pas encore mais il informe les autres qui ne peuvent plus rester neutres et c’est déjà beaucoup. Car la neutralité, dans ce contexte, va toujours dans le sens des bourreaux.
La cause arménienne grâce au dynamisme des organisations et la volonté des combattants, progresse. Ceci est incontestable. Seulement elle doit se doter de nouvelles armes et exploiter l’appareil juridique de la structure européenne. Les recours européens permettent à chacun de participer à cette lutte. Il n’est pas nécessaire d’être un notable ou un spécialiste, chaque Arménien peut revendiquer son arménité via son recours. Le statut de réfugié n’a de sens désormais que s’il existe un recours. La présence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme permet ces recours et nous savons qu’ils sont efficaces. Aussi leur absence sera utilisée par nos adversaires qui pourront affirmer que la terre ancestrale des Arméniens ne peut être considérée comme telle puisqu’elle n’est pas revendiquée. Les recours européens doivent se faire et nous les ferons. Seulement plus nombreux ils seront, plus ils auront la capacité d’aider la Cause arménienne. Aussi désormais chaque Arménien sait ce qu’il doit faire.