1461 - Union Européenne – Turquie : un oxymore éthique
N. Lygeros
La connaissance des valeurs de l’Union Européenne fait apparaître un problème de taille par rapport à la candidature orientale. En effet, il n’existe pas une seule valeur commune !
L’Union Européenne est fondée sur le respect de la dignité humaine alors que la Turquie en est encore au stade de la torture. Car même si celle-ci est censée diminuer, il n’en demeure pas moins qu’elle existe.
L’U.E. est fondée sur la liberté alors que cette notion est tout simplement absente comme le prouvent la presse et les écrivains emprisonnés.
Il en est de même pour la démocratie, puisque l’état profond selon l’expression consacrée est un régime militaire.
L’U.E. accorde une importance fondamentale au respect des droits de l’homme et des droits des personnes appartenant à des minorités. Or il suffit de considérer le cas kurde pour se rendre compte que la situation de ce peuple est insupportable.
La société européenne est caractérisée par le pluralisme alors que l’état kémaliste est basé sur la purification ethnique. La Turquie a commis un génocide contre les Arméniens en 1915, un génocide contre les Pontiques en 1918, a incendié Smyrne en 1922, s’est emparée de Imvros et Ténédos en 1923, a effectué des pogroms à Constantinople en 1956, a envahi Chypre en 1974 et tout cela pour avoir un territoire pur et un espace vital selon les termes prônés par le régime nazi.
La condition des femmes est elle aussi lamentable. Cette année encore – durant les phases préparatoires de sa candidature européenne – une manifestation pacifique de femmes s’est terminée à coups de matraques à Constantinople.
La simple mention à l’occupation turque de l’île de Chypre ou au génocide des Arméniens est condamnable pénalement.
Aussi avec cet ensemble de faits, comment ne pas constater qu’il s’agit d’un oxymore éthique que de parler du couple Union Européenne et Turquie. Rien ne rapproche les deux entités, si ce n’est la peur que procure l’une à l’autre. Les peuples qui vivent sous le joug turc, sont des peuples otages. Ils n’ont pas le droit d’exister. Ils n’ont pas le droit de se souvenir.
Toute l’Union Européenne est un assemblage de mémoires collectives qui, unies dans leurs diversités, fondent ce que nous nommons le pluralisme. Nos ancêtres se sont battus contre l’Empire Ottoman puis contre la république des Jeunes Turcs et celle de Kémal. Car il était tout simplement impensable d’accepter ces régimes d’esclavagistes. À présent, s’il n’y a plus d’esclaves en Turquie, c’est uniquement parce qu’ils ont été effacés de la carte. La purification ethnique est la seule responsable de l’esclavagisme. Mais les peuples de la mémoire se souviennent et ils n’oublient pas. Car cette mémoire, ce combat contre l’oubli, c’est la seule et unique manière de vivre et de survivre dans ce milieu hostile que représente le candidat oriental.
L’Union Européenne dans sa diversité a besoin d’une cohérence intellectuelle, éthique et politique, et nullement d’un oxymore. La Turquie est une menace pour les minorités mais pas seulement. Elle est aussi une menace pour les majorités parlementaires qui gèrent ce que nous nommons encore l’Union Européenne.