1225 - Stratégie interne et remaniements
N. Lygeros
En stratégie formelle toute crise est bonne à prendre car elle permet de remettre en cause le mode de fonctionnement et la structure interne, qui via le principe entropique perd de l’information, et se stabilise dans une forme qui se simplifie tellement qu’elle finit par être considérée comme dégénérée. Certes dans le monde réel et surtout celui de la politique ce type de crise est rarement vu de manière positive malgré une volonté affichée d’analyser les faits de manière objective. Néanmoins lorsque cela arrive, il n’est pas inutile de s’en remettre aux principes de stratégie formelle qui permettent d’étudier de manière efficace les situations de crise.
Via le processus de ratification du traité de la Constitution européenne, l’Union Européenne est en train de traverser une crise structurelle qui était naturelle vu l’enjeu des modifications souhaitées et pourtant imprévue par l’ampleur de son impact. Ce dernier ébranle en particulier l’axe franco-allemand qui est encore considéré comme le moteur ou la dynamique principale de d’évolution de l’Union Européenne. Néanmoins même si certains analystes y voient un signe des temps nous préférons un point de vue en contrepoint. En effet l’ensemble de l’Union Européenne et particulièrement les nouveaux Etats membres est semblable à cette image de l’Europe. Cependant cette image qui représente un signe de stabilité pour certains est aussi une forme d’inertie pour d’autres. Aussi une crise de cette vision permet d’étudier plus précisément cet axe franco-allemand afin d’identifier ses caractéristiques. C’est seulement ainsi que nous pouvons constater l’étroitesse des liens franco-allemands aussi bien dans le domaine économique que culturel, aussi bien dans le domaine militaire qu’administratif. Ainsi au niveau militaire, l’Union Européenne s’est déjà dotée d’une structure indépendante de l’OTAN. De plus l’axe franco-allemand est si solide qu’il ne peut être remis en cause par des hommes politiques de chacun de ces deux pays sans qu’il y ait un risque pour leurs carrières. De plus pour le moment il n’existe pas d’alternative crédible à ce moteur. Aussi il est essentiel que celui-ci se redynamise afin que le noyau de l’Union Européenne soit le véritable fer de lance de ce dernier. Pour cela il a besoin d’une réflexion stratégique effective et non d’une rhétorique de circonstance. Désormais avec une Union Européenne de 25 Etats membres, il ne suffit pas de montrer l’exemple économique, il faut être un paradigme politique car à ce stade de l’unification c’est de cela dont nous avons besoin. Ainsi il est tout simplement inadmissible de mettre en danger des choix d’envergure européenne en raison de problèmes sociaux nationaux. Ni d’utiliser l’Union Européenne comme d’autres pays exploitent la politique étrangère afin de faire taire des critiques internes. Pour des pays comme la France et l’Allemagne l’Union Européenne ne peut plus représenter une entité imaginaire. La majorité de leur population ne connaît désormais que cette entité pour se définir sur le plan international. Le traité constitue donc un élément révélateur qui doit peu à peu se transformer en processus catalytique afin d’augmenter les interactions politiques entre les 25 Etats membres. Il montre de plus la nécessaire modification interne afin de rendre efficace le fonctionnement d’une Union Européenne de cette taille et de cette envergure sur le plan international. Cela permettra aussi de lutter avec cohérence contre le monde extérieur qui s’inquiètent de l’universalité des principes européens. Ces remaniements ne sont pas négatifs en soi, ils ne le deviendront que si nous ne les exploitons pas pour nous restructurer.