1224 - Sur la laïcité universelle
N. Lygeros
Si nous avons choisi ce titre pour cet article c’est volontairement et c’est pour exprimer le fait qu’il s’agit d’un non-sens que de vouloir restreindre le débat à un cadre strictement français. Pour avoir une vision éclairée et libre de la situation actuelle, il est nécessaire de se replacer dans un contexte diachronique afin de mettre en évidence des schémas mentaux traversants mais aussi pour prendre conscience de l’existence de changements de phase fondamentaux.
Dans un débat social quasi permanent, il est évident que la problématique de la laïcité attise les passions, dans tous les sens du terme. Cependant pour le comprendre, il est nécessaire d’effectuer une synergie cognitive entre le citoyen et le chercheur dans une démarche essentiellement socio-historique. Ce nouveau cadre permet de s’interroger sur le statut de l’individu et de la démocratie.
Initialement le terme laïcité est forgé par Ferdinand Buisson ou plutôt explicité par lui. Aux côtés de Jules Ferry, Victor Hugo et Edgar Quinet à deux congrès internationaux pour la paix et la liberté, il introduit le cadre théorique de la laïcité. Et il est important de noter qu’il contribue aussi à la création de la Ligue des droits de l’homme et qu’il reçoit le prix Nobel de la Paix en 1927. Dans cette analyse rétrograde, il est fondamental de signaler que la laïcité en général précède la laïcité scolaire. Et c’est ainsi qu’il indique l’évolution de la séparation de l’église et de l’état avec pour point de départ la déclaration de droits de l’Homme. C’est la révolution française qui fait apparaître pour la première fois l’idée de l’Etat laïque i.e. indépendant de toute conception théologique. C’est de cette manière que nous pouvons représenter la laïcité comme l’assemblage de la laïcisation et des droits de l’Homme. Nous en déduisons donc que le premier théoricien de la laïcité ne se restreint pas à un cadre strictement français. Et comme le remarque justement Jean Baubérot, la laïcité suppose donc que la laïcisation soit mise au service des droits de l’Homme. Ainsi la laïcité universelle ne conduit pas seulement aux droits de l’Homme, elle tire sa source de ses derniers qui apparaissent alors comme les axiomes fondamentaux d’une nouvelle axiologie plus indépendante et surtout plus humaine. Bien sûr ce retour aux sources via l’œuvre de Ferdinand Buisson ne prouve pas la véracité du raisonnement global. Néanmoins, ce retour met en évidence un schéma mental diachronique et ce fait prouve par contre que ce point de vue ne constitue pas une nouvelle approche comme certains tenteraient de nous le faire croire afin de la remettre plus facilement en question à une époque où le principe même de laïcité est entre autres menacé dans l’espace scolaire et l’espace médical.
L’approche universelle de la laïcité permet de plus de mieux comprendre les problèmes qui existent en Thrace, à Chypre mais aussi en Albanie et aussi de manière plus générale, dans l’ensemble de l’Union Européenne qui évolue afin d’expliciter via sa Constitution, sa vision holistique du monde à travers la charte des droits fondamentaux. Il ne s’agit donc pas d’une exception locale, mais d’un principe global exceptionnel auquel nous devons réfléchir afin qu’il nous serve à nous définir du point de vue axiologique.