1066 - Indépendance et multidépendance
N. Lygeros
La recherche de l’indépendance est a priori une chose louable. Cependant elle doit être relativisée par le contexte géopolitique. Car ce dernier peut modifier sa nature. De plus le changement de phase du contexte global peut avoir des répercussions locales décisives. Ce cadre général correspond particulièrement bien à l’Union Européenne et au problème de la constitution européenne. Celle-ci va permettre le développement d’une structure plus démocratique et mieux gérée par l’infrastructure européenne. En tant que structure supranationale elle facilitera l’émergence de structures locales à plus grande autonomie. En renforçant le réseau global, elle s’affranchit de certaines étapes intermédiaires qui exploitaient leur nature pour bloquer des processus régionaux. Dans ce cadre global et surtout multilocal, il est nécessaire de repenser la notion d’indépendance afin que son sens ne soit pas dénaturé. L’indépendance dans une structure globale n’est qu’une forme d’isolement structurel. Aussi toute tentative dans ce sens doit réaliser cette priorité. Les mots d’ordre peuvent être valables en soi mais pas nécessairement dans un nouveau contexte. Ainsi une opposition duale au sein d’une structure globale non seulement perd son sens générique mais elle devient une spécificité locale qui peut être marginalisée. Alors qu’en exploitant le réseau européen, un problème considéré comme local par une structure nationale via sa multilocalisation, il peut devenir générique et impliquer un sous-réseau global. Dans ce cas les possibilités d’évolution du processus souhaité sont considérablement élargies et cela implique la création d’un élan dynamique. Ainsi la constitution via son renforcement démocratique sert de catalyseur pour un processus émergent qui était inhibé par la structure nationale. A condition que la notion d’indépendance soit judicieusement remplacée par celle de multidépendance. Il est vrai que cette dernière est rarement usitée en situation normale alors qu’elle représente une notion courante en géostratégie, d’où la nécessité de la faire connaître dans le milieu concerné. En tant que schéma mental la multidépendance comporte un aspect paradoxal au premier abord puisqu’elle exploite la notion de dépendance pour atteindre celle d’indépendance. Cependant cette difficulté est surmontable en faisant intervenir le principe des tensions. Celui-ci permet d’augmenter les frictions internes du système considéré aussi la tension duale et initiale se trouve nécessairement affaiblie par la présence d’autres tensions multilocales qui n’ont pas nécessairement le même but. Via ce procédé, la multidépendance comporte une résistance dynamique comme nous pouvons le constater dans le domaine des acquis communautaires. Ainsi nous voyons que l’enchaînement multiple représente une forme évoluée et indirecte de libération. A travers cela il est clair que l’indépendance qui est interprétable comme une séparation brutale d’une structure dont on est dépendant est tout simplement hors contexte. Il est beaucoup plus judicieux d’utiliser l’infrastructure supranationale et d’exploiter des propriétés multilocales pour parvenir, en somme à un résultat plus tangible, plus performant et surtout plus stable. Car l’indépendance de base peut aussi être une étape à une nouvelle dépendance.