978 - Equilibre de Popper
N. Lygeros
Le but de cette note, c’est de définir aussi précisément que possible l’expression équilibre de Popper. Pour cela nous allons faire appel à des notions de différents domaines tels que l’épistémologie, la linguistique et la philosophie d’une part et les mathématiques via la théorie des jeux d’autre part.
En théorie des jeux, comme nous l’avons mentionné dans différents articles, pour un jeu donné et compatible avec les hypothèses de rationalité, il existe toujours un équilibre de Nash.
Un des problèmes fondamentaux de la communication, c’est l’accord tacite ou pas de l’utilisation du même sens d’un mot donné du langage. Cette difficulté, nous la retrouvons sans cesse en philosophie et bien souvent la divergence d’opinions n’est en réalité qu’une différence de vocabulaire. Certains s’attachent donc à expliciter d’une manière quelque peu bourbakiste l’emploi qu’ils font des mots. Seulement ils sont vite confrontés à la complexité de cette tâche très coûteuse en terme de temps. Aussi Popper pour éviter cet obstacle inhérent à toute question philosophique, a décidé de l’aborder d’une tout autre manière. Celle-ci n’est plus statique et initiale mais dynamique et finale. Les interlocuteurs cessent de remettre en question le vocabulaire des autres et recherchent une stabilisation finale du langage considéré. Cette manière de faire évite le retour à des questions de vocabulaire et permet d’avancer de façon effective dans la discussion.
A présent, si nous exploitons la grammaire générative de Chomsky qui met en évidence des structures syntaxiques plus profondes que la langue et si nous combinons ce substrat à l’approche de Wittgenstein qui considère que tout langage est une forme de jeux de langage alors il est possible d’immerger cette problématique dans une théorie des jeux généralisée qui s’applique aux langues utilisées par deux interlocuteurs pour communiquer.
Cette fois l’approche de Popper représente une véritable stratégie coopérative qui se met en place via les modifications linguistiques de chacun. Le problème qui se pose alors est analogue à celui de l’existence d’un équilibre de Nash en théorie des jeux classique. A nouveau la généralisation du théorème du point fixe permet de mettre en évidence une solution optimale pour l’ensemble des interlocuteurs sans qu’elle soit nécessairement optimale pour chacun d’entre eux. Néanmoins dans un cadre coopératif comme dans le dilemme du prisonnier, elle existe. Et ici aussi le dialogue est désiré sans que nous soyons dans le cas d’une stratégie dominante.
Nous dirons alors qu’un équilibre de Popper dans le cadre de la théorie des jeux de langage de Wittgenstein dans le formalisme de Chomsky, est l’analogue de l’équilibre de Nash dans le cadre de la théorie des jeux de Von Neumann dans le formalisme de Nash. De cette manière, l’équilibre de Popper représente la solution idéale pour un ensemble d’interlocuteurs et même si sa dynamique est isomorphe à un choix statique elle permet d’introduire la notion de crédibilité qui est nécessaire en philosophie.