948 - Stratégie sur trois piliers
N. Lygeros
La stratégie sur trois piliers est présentée par la commission de l’Union Européenne comme l’outil qui répondra aux exigences de la candidature de la Turquie. Les piliers de cette stratégie sont les suivants : coopération, négociation et dialogue politique et culturel. Plus précisément, il s’agit pour le premier pilier de renforcer et de soutenir le processus de réforme actuel afin de le rendre peu à peu compatible avec les critères politiques de Copenhague. Elle permettra de gérer les priorités du processus de réforme ou en d’autres termes, d’établir une stratégie pré-adhésion améliorée. Cette recherche de compatibilité est une action positive en soi indépendamment des résultats recherchés. Le deuxième pilier est composé des conditions particulières qui s’appliqueront aux négociations d’adhésion de la Turquie. Il s’agit donc de la préparation des négociations proprement dites si le conseil européen devait adopter une telle décision en décembre. C’est donc une préparation indépendamment du fait que la réalisation soit effective ou non. Quant au troisième pilier, il se structure autour de l’instauration d’un dialogue politique et culturel renforcé entre les peuples des Etats membres de l’Union Européenne et de la Turquie.
Il est précisé dans le rapport que l’adhésion de la Turquie devrait être minutieusement préparée afin que l’intégration puisse se faire en douceur et conforter les acquis de cinquante années d’intégration européenne. Lorsque nous voyons l’étendue et la difficulté que représentent ces acquis unifiés et ayant connaissance du fait que la Turquie les bafoue au moins en ce qui concerne les territoires occupés à Chypre, nous ne pouvons manquer d’être surpris par la présence de cette formule dans ce texte. A moins que nous l’associons avec les phrases qui la suivent et qui concluent ce paragraphe, à savoir : C’est un processus ouvert dont l’issue ne peut pas être garantie à l’avance. Indépendamment du résultat des négociations ou du processus de ratification qui pourrait en découler, les relations entre l’Union Européenne et la Turquie doivent garantir que la Turquie reste ancrée aux structures européennes.
En examinant l’ensemble de cette stratégie sur trois piliers, il est pour ainsi dire impossible de ne pas voir un autre objectif qui n’est pas lié au processus d’intégration. Il s’agit pour l’Union Européenne de faire évoluer les États qui se trouvent à ses frontières afin de créer non seulement une zone tampon pour l’extérieur mais surtout un milieu non agressif pour son interface. Si l’adhésion potentielle reste potentielle sans être réalisée, tout est pour le mieux, puisqu’elle sert de prétexte dynamique et catalytique à une évolution de la géopolitique locale jugée comme nécessaire et cela est une justification en soi.