744 - Coexistence sociale et Symbiose humaine
N. Lygeros
La coexistence n’est pas humaine, elle est avant tout sociale. La coexistence ne nécessite pas la reconnaissance de la valeur de l’autre. Ce dernier appartient à l’environnement de l’individu sans l’existence d’un échange véritable. Plus formellement, l’ensemble préexiste au groupe et peut donc exister sans évoluer vers celui-ci. En l’absence de relation, les éléments jouent le rôle de singletons dans un ensemble formel. Et du point de vue philosophique, la vision du monde pour les éléments est isomorphe au solipsisme. Dans sa recherche de stabilité, le système permet la coexistence des individus, car celle-ci n’engendre pas de structures qui pourraient lui nuire. La socialisation permet la linéarisation et celle-ci, le nivellement par l’équivalence des individus. La coexistence apparaît donc non pas comme un moyen de connaître et accepter l’autre mais comme un moyen de le supporter en lui supprimant toute fonction proprement humaine. Elle constitue donc le substrat d’une déshumanisation potentielle. Il est donc nécessaire qu’il existe une véritable volonté consciente de transformer l’ensemble en groupe. Car la société se contente de lisser le comportement des individus afin d’éviter toute interaction forte qui pourrait engendrer une relation. Car le système est plus stable sans sous-structures. Ainsi la structuration requiert un effort puisqu’elle doit lutter contre la socialisation.
Les points initiaux de cette structuration humaine, ce sont les singularités. Celles-ci, par nature, n’appartiennent à aucun sous-ensemble de personnes qui se contentent de cela pour vivre au sein de la société. Les singularités cognitives sont seules au milieu de la foule. Et celle-ci ne les autorise à exister que si elles ne constituent pas une gêne pour son propre développement ce qui est une autre manière de parler de sa masse inertielle. Les singularités solitaires sont naturellement solidaires et ce d’autant plus que leur univers noétique est élevé. Aussi il est naturel qu’elles s’organisent en groupe après avoir identifié d’autres singularités. Ces groupes ne sont pas fondés sur des bases sociales aussi ils représentent des ilôts de résistance que celle-ci soit passive ou active. Ce sont ces premiers groupes qui forment les bases de la symbiose humaine.
La nature des relations entre les singularités est avant tout humaine. Aussi elle peut surprendre des individus profondément sociaux. L’abord est plus direct et le propos est plus franc. Aussi l’évolution des relations est nécessairement plus rapide et surtout plus fondamentale. Par conséquent, la structure amicale a une plus forte probabilité d’apparition dans ce cadre. L’extension de cette structure permet une ingérence dans le monde social, qui engendre des modifications altruistiques globales. Seulement, il n’est pas certain que cette symbiose humaine puisse lutter avec efficacité contre la coexistence sociale qui est beaucoup plus facile et plus étendue dans la population. Car il est aisé d’être absorbé par cette masse qui élimine ou phagocyte les différences intellectuelles. Bien sûr ces groupes pourraient se contenter de coexister avec la masse et même créer des conflits internes afin d’établir une sorte de suprématie au sein des marginaux. Ceci est d’autant plus possible qu’il existe une correspondance avec l’effet de bord. Cependant, nous considérons qu’il s’agit avant tout d’un problème d’interface faible. Car l’interface forte est plus stable et consciente d’avoir à remplir une fonction sociale. Elle accède donc à la téléologie des singularités.
Ainsi la coexistence sociale, loin d’être un moyen de créer un ensemble de relations humaines, est avant tout un processus de stabilisation du système qui recherche avant tout sa propre survie et non l’évolution de l’humanité dans son ensemble. Il est nécessaire d’avoir une part active i.e. non seulement humaniste, afin de lutter contre cette inertie, sinon l’individu est naturellement absorbé par la masse gérée par le système. Ce danger est présent chez tout individu seulement il est plus sensible à l’extérieur de l’interface. L’autre risque pour les groupes actifs c’est d’être repérés et stigmatisés afin d’éviter la réalisation de leurs actions multi-frontales. Ainsi seule la conscience de l’aspect négatif de la coexistence sociale et la nécessité d’existence de la symbiose humaine, agit activement sur l’humanisation de la société afin que celle-ci ne demeure pas le but ultime de l’individu et qu’elle devienne simplement une étape possible et en tout cas transitoire dans l’évolution de notre humanité.