743 - Ludwig I
N. Lygeros
Martine : Il a quelque chose cet enfant…
Patrice : Tous les enfants ont quelque chose…
Rémi : C’est faux ! (Un temps.) Certains n’ont rien !
Martine : Ce n’est pas ce que je voulais dire…
Yoann : Dis-nous plutôt ce que tu voulais dire alors…
Martine : Cet enfant est différent…
Anne-Marie : Ne sont-ils pas tous différents ?
Philippe : Certains sont plus différents que d’autres.
Patrice : Sur quel plan ?
Martine : C’est cela qui me gêne le plus… (Un temps.) C’est l’ensemble qui…
Yoann : Il faudrait être plus précise… (Un temps.) Sinon nous n’allons pas nous en sortir…
Rémi : Si c’était simple nous ne serions pas en train d’en parler.
Anne-Marie : C’est vrai. Néanmoins…
Martine : Quand je lui parle, je ne sais pas s’il me comprend. Et quand il me parle, je ne sais pas si je le comprends.
Patrice : Quelle étrange dialogue !
Philippe : Je crois que la plupart des dialogues sont ainsi…
Yoann : Seulement peu de gens veulent l’accepter.
Rémi : Ils font tous semblant de comprendre les autres.
Anne-Marie : Et les autres font semblant de les comprendre.
Martine : Alors vous voyez bien qu’il a quelque chose !
Rémi : Tu veux dire qu’il est franc ?
Patrice : Et que tu sais à quoi il pense ?
Philippe : Si c’est le cas alors il est vraiment différent.
Anne-Marie : Tu dis que ce qu’il dit c’est uniquement ce qu’il pense ?
Martine : Seulement il ne dit presque rien.
Rémi : Cela ne signifie pas qu’il ne pense pas.
Philippe : Au contraire, peut-être que tout est pesé avant d’être dit.
Yoann : Or tout est pensé avant d’être dit.
Anne-Marie : C’est la première fois que j’entends parler d’un enfant qui ne dit que ce qu’il pense et qui dit tout ce qu’il pense !
Martine : Il est déjà différent en ce sens…
Patrice : Et dans quel autre ?
Martine : Ce qu’il dit n’est pas ce que nous pensons.
Rémi : Est-il vraiment si différent ?
Yoann : Est-ce vraiment si étrange ?
Anne-Marie : C’est rare tout de même, il faut bien l’avouer.
Philippe : Si c’est concevable alors c’est pensable.
Martine : Mais est-ce convenable ?
Rémi : Convenable pour qui ?
Yoann : Convenable pour quoi ?
Patrice : Pour les autres, pour le bien de la société ?
Philippe : Ou tout simplement pour sa survie ?
Martine : C’est sa vie qui me préoccupe, non sa survie !
Patrice : Il est donc malade ?
Anne-Marie : Ne le sommes-nous pas tous ?
Philippe : La différence, c’est qu’il est peut-être le seul à le savoir.
Rémi : Dans ce cas, cet enfant est effectivement spécial.
Martine : Je ne sais pas s’il est spécial mais en tout cas, il a des besoins spéciaux.
Patrice : De quel ordre ?
Anne-Marie : S’il est comme nous le pensons, ils sont de tous ordres.
Rémi : Mais s’il est différent ?
Yoann : Quoi qu’il en soit, nous devons faire quelque chose !
Martine : Oui, cela est certain.
Philippe : Nous devons apprendre à le connaître.
Patrice : Mais comment ?
Rémi : Nous commencerons par les choses simples.
Anne-Marie : Quel est son prénom ?
Martine : Ludwig !
(Silence.)