692 - De l’asymétrie hémisphérique à la coopération hémisphérique
N. Lygeros
En situation d’écoute dichotique, la supériorité de l’Oreille Droite sur l’Oreille Gauche est un indice comportemental qui traduit une dominance fonctionnelle de l’Hémisphère Gauche sur l’Hémisphère Droit. Une des premières explications de ce phénomène est due à Kimura qui en 1963 a remarqué que les unités de parole qui sont perçues par l’Oreille Droite parviennent plus rapidement au cortex auditif primaire du lobe temporal contralatéral, hémisphérique gauche, que les unités de paroles perçues par l’Oreille Gauche qui doivent emprunter le corps calleux pour atteindre la même zone corticale. Cependant en 1988, Hiscock a montré que l’asymétrie perceptive s’observe chez les enfants indépendamment de l’âge et qu’elle varie peu avec l’âge quant à son amplitude. De plus qu’il s’agisse d’une réponse avale ou d’une désignation silencieuse d’images qui illustrent les mots entendus, la supériorité mentionnée s’observerait toujours. Enfin en 1997, Dehaene-Lambertz grâce aux indices électrophysiologiques recueillis chez les nourrissons à partir de l’enregistrement des potentiels évoqués pour la parole entendue, a apporté un argument supplémentaire en faveur d’une spécialisation hémisphérique gauche pour le langage oral, installée dès la naissance. Nous pourrions aussi considérer que les asymétries des {it plana temporale} et de {it l’aire de Broca} vont aussi dans ce sens mais la différenciation des données est trop faible pour constituer un argument de poids d’autant plus que les travaux de Campbell et Whitaker en 1986 suggèrent que la dominance de l’hémisphère gauche dans les activités de paroles s’établit progressivement. Les données anatomo-cliniques recueillies chez des adultes souffrant de lésions de l’hémisphère droit accordent à celui-ci un rôle fonctionnel important dans le traitement des informations visuo-spatiales, dans l’analyse des relations topographiques, dans l’identification des visages et des expressions faciales, mais aussi dans les activités constructives et la perception de mélodies. Par ailleurs d’un point de vue ontogénétique, l’hémisphère droit se développe différemment de l’hémisphère gauche. Au cours de l’enfance, la propagation de l’influx nerveux est d’abord locale puis éloignée pour l’hémisphère gauche et le contraire pour l’hémisphère droit. Le point clef dans le développement de l’enfant qui va exploiter l’asymétrie hémisphérique pour la transformer peu à peu en une coopération hémisphérique, c’est la période du babillage. Celle-ci permet à l’enfant de s’initier au langage articulé et elle va durer à peu près un an. Dans ce contexte, où le langage est un assemblage de motifs mélodiques, l’intervention de l’hémisphère droit est naturelle puisque son rôle a été démontré dans la perception de la musique chez les nourrissons. En effet en 1977, Entus a montré la supériorité de l’Oreille Gauche sur l’Oreille Droite dans la discrimination de notes de musique en situation dichotique chez des nourrissons de 2-3 mois. Par ailleurs, le langage oral ne peut se développer en dehors d’un système de communication basé sur l’interaction précoce parent-enfant. Et dans ce contexte la reconnaissance des expressions faciales qui est l’apanage de l’hémisphère droit va contribuer au développement phonologique. Ainsi l’asymétrie hémisphérique via sa complémentarité dans le cadre d’un système coopératif représente un avantage pour le développement de l’enfant.