8619 - De la cause arménienne au droit français
N. Lygeros
Aucun Arménien, défenseur des droits de l’Homme, n’a de leçon à recevoir de quiconque, lorsqu’il lutte pour la cause. Cela fait des dizaines d’années que bien des responsables lui disent de se taire et l’empêchent d’agir sous prétexte de sauvegarder des relations internationales basées sur une diplomatie hypocrite qui ne se gène pas pour bafouer les droits les plus élémentaires des hommes.
Nous vivons dans le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Si nous ne le pensons pas alors il faut plier bagage. Si nous le pensons alors il faut agir comme il se doit pour que ces notions restent les fondements de notre civisme.
La problématique de la pénalisation de la négation des génocides reconnus par la France va dans ce sens. Si notre pays a reconnu un génocide alors nous devons tous respecter cette décision qui va bien au delà de l’individu car celui-ci est incapable de réaliser cette action à l’échelle nationale. Nous nous devons de prendre conscience que les négationnistes de tout bord se moquent bien des victimes, des survivants, des justes mais aussi de la France elle-même car ils savent bien que celle-ci a reconnu les génocides mentionnés.
Pour tous ceux qui pensent que la proposition de loi actuelle qui est en train d’être examinée par le Conseil Constitutionnel de la France n’est qu’un problème intercommunautaire, nous ne pouvons dire qu’une seule chose : ils se trompent lourdement. L’appareil de propagande turc qui se fonde sur un négationnisme d’état ne bafoue pas seulement l’histoire du peuple arménien mais aussi le droit français. Le régime turc a peur de l’effet domino au sein de l’Union Européenne.
Il sait bien que la Suisse pénalise la négation du génocide mais elle n’appartient pas à l’Union Européenne. Il sait aussi que la Slovaquie pénalise elle-aussi la négation mais il ne la craint pas car elle fait partie des nouveaux états membres de l’Union Européenne. Ce qu’il craint par dessus tout, c’est justement un pays comme la France qui en raison de son rôle moteur au sein de l’Union Européenne peut servir d’exemple à d’autres pays. Voilà ce qui explique l’acharnement et les menaces de la Turquie à l’encontre de la France.
Ceux qui persistent à penser qu’elle n’en veut qu’aux Arméniens, se trouvent piégés dans une erreur stratégique. Ils ont l’impression que tout ce qui se passe à l’Assemblée Nationale, au Sénat et maintenant au Conseil Constitutionnel, n’est qu’un simple jeu tactique dans le cadre des élections. En réalité, la Turquie n’a que faire des élections, surtout si la loi passe. En effet, pour la Turquie, il s’agit d’un combat entre un régime autoritaire et une démocratie molle. Peu importe le président, la Turquie ne voit en la France que la mollesse démocratique et elle voit avec amusement les tergiversations juridiques de certains spécialistes. Ce qui importe pour elle, c’est que la loi ne passe pas, un point c’est tout. Et pour obtenir ce résultat, tous les moyens sont bons : pressions, menaces, influences, pots de vin. Lorsque nous réaliserons cela alors nous comprendrons le véritable enjeu. Elle veut profiter des frictions internes du système politique français, des luttes intestines, des guerres partisanes pour imposer sa vision de l’histoire. Seulement, il existe des hommes, des combattants des droits de l’Homme qui continueront leur devoir à l’encontre des crimes contre l’humanité. Et la France a son mot à dire !