8594 - La décision du Sénat
N. Lygeros
La décision du Sénat n’est pas une décision anodine. Elle représente la victoire de la justice face à un négationnisme qui n’a pas hésité à manifester au sein même de notre pays puisqu’il ne pouvait tomber sous le coup de la loi. Cette parade autoréférente permet de réaliser la nécessité de la présence de cette loi dans le code pénal de la France. Cette loi est pré-justifiée par les actes commis malgré la reconnaissance du génocide des Arméniens. Judiciairement elle constitue un acte de complétion et stratégiquement pour les victimes, les survivants et les justes, elle permet de regrouper de manière égale, les génocides reconnus par la France. Ceci est d’autant plus important lorsque nous examinons aussi bien la réticence de certains sénateurs que le rapport de la Commission des Lois. Le résultat est véritablement magnifique car nous réalisons qu’il s’agit d’une victoire du droit humain sur la justice d’apparat qui se contente de paraître pour justifier son existence au risque de bafouer la mémoire des peuples. Et puis nous avons pu constater que dans le débat, certains à court d’arguments juridiques n’ont pas hésité à exploiter des arguments de géostratégie pour les aliéner et les réduire à une comparaison de puissance. Combien de fois avons-nous entendu l’expression suivante à savoir que la Turquie est un grand pays. Certes les stratégistes, contrairement à certains hommes politiques, savent bien que la Turquie n’est qu’un pays de plus qui se prétend grand sans pouvoir le justifier et encore moins le prouver. Cependant, ici, ce n’est pas notre propos. Ce que nous voulons mettre en exergue, c’est l’opposition entre grand pays et petit pays. Car il est surprenant de tenir compte de ce genre d’arguments dans un cadre législatif. Les personnes qui utilisent cette argumentation dans le champ de la justice, ne réalisent pas qu’il s’agit d’une vision raciste qui revient à comparer le grand turc avec le petit arménien. La justice dans ce contexte, n’examine qu’une seule taille, celle du crime contre l’Humanité que nous nommons génocide, le reste, elle n’en a que faire. L’important c’est le plan humain. Il est tout simplement inacceptable de permettre la négation ou même la minimisation d’un génocide et cela, peu importe la victime ou le bourreau. Il s’agit d’un processus générique.
Enfin, si nous entrons dans le débat communautaire, c’est simplement pour ne pas mettre à nu, le débat politique. Dans le cadre de ce type de loi, nous n’avons que faire du clivage politique. Néanmoins cela ne signifie pas pour autant que ce clivage n’existe pas. Cependant, il ne faut pas tomber dans le piège de vouloir l’occulter en mettant en avant une rivalité communautaire. Tout d’abord pour la simple raison que le débat ne concerne pas exclusivement le génocide des Arméniens mais l’ensemble des génocides reconnus par la France. D’autre part, comme le dirait Albert Camus, la notion de justice n’appartient à aucun pays en particulier. Dans le cadre de la loi qui n’est pas raciale, l’important est de protéger la victime du criminel de paix qui n’hésite pas à la maltraiter et la persécuter en raison de l’absence d’une loi pénalisant la négation. Les peuples ne seront pas plus juste les uns que les autres. Ce sont les systèmes politiques qui sont plus ou moins coupables car ce sont eux qui appliquent de manière systématique des méthodes d’extermination et d’effacement. Cette loi va dans le sens de la condamnation de ce genre de système barbare. Voilà l’esprit de la loi.