6004 - Sur l’attaque arménienne
N. Lygeros
Nous avons l’habitude de traiter la cause arménienne strictement du point de vue défensif car elle dépend et est la conséquence du génocide. Il est vrai que ce crime contre l’humanité représente un changement de phase dans l’histoire du peuple arménien. Cependant ce serait réducteur de ne voir que cela avec l’Arménité. De plus, dans ce cadre il serait impossible de saisir l’événement que constitue la guerre de la reconquête en Artsakh. En effet, dans celle-ci une défense stricte aurait été une véritable catastrophe. Car l’injustice commise par le système dictatorial de Staline devait être réparée et ceci, face à un régime qui n’était qu’une copie en miniature de la Turquie. L’Arménité n’existerait plus dans cette région ancestrale si l’attaque arménienne n’avait pas eu lieu face aux opportunistes. L’inégalité de la guerre en termes d’effectif n’a pas fait peur car il s’agissait d’une nécessité pour le peuple arménien. Cette leçon de l’histoire nous montre clairement qu’une position défensive ne peut tenir éternellement. C’est dans ce sens qu’il est indispensable de repenser l’ensemble de la cause arménienne afin de ne pas se cantonner dans des positions défensives qui finissent par devenir des positions passives qui ne mènent à rien. Car pendant ce temps l’appareil de propagande turc ne cesse son travail de sape au point qu’il est difficile de lutter pour les droits de l’homme sans être accusé d’extrémisme latent.
Le positionnement passif face au génocide de la mémoire ne permet pas de lutter efficacement pour la reconnaissance du génocide des Arméniens. De plus, cette attitude engendre une attente alors que celle-ci a déjà montré son incapacité face à l’évolution des négociations internationales. Cette attitude est considérée comme prévisible par l’appareil turc. Il a cette tendance naturelle à sous-estimer, non pas son adversaire mais sa victime. Cependant en stratégie rien ne force une victime à demeurer une victime. Il en est de même dans le cadre d’un procès. La justice se doit d’attaquer le coupable sans se contenter d’attendre. Dans l’art de la guerre, la notion de victime n’est pas une condamnation. À l’instar d’Épictète, nous pourrions écrire : Considère-toi comme une victime ou un combattant, cela ne dépend que de toi. Voilà le champ de la cause arménienne. Cette prise de conscience permet à elle seule d’évoluer dans le positionnement. La cause arménienne n’est pas une affaire marginale malgré les affirmations des négociateurs. La différence permet de faire la différence. La cause arménienne est un paradigme. Seulement pour que ce paradigme s’active et s’applique réellement dans le cadre de la stratégie, c’est le peuple arménien qui doit se convaincre de son rôle exceptionnel de peuple survivant dans ce combat des droits de l’homme.