5622 - Sur le génocide des Arméniens et la fondation de la Turquie
N. Lygeros
Pour comprendre la difficulté intrinsèque de la Turquie dans le cadre de la reconnaissance du génocide des Arméniens, il nous faut examiner les fondations de cet État. En effet, la situation est bien pire, comparée au cas du régime nazi puisque l’équivalent serait l’extension de ce dernier. Plus concrètement, dans le cadre de la reconnaissance de l’Holocauste, le régime nazi avait été remis en cause et pour ainsi dire démantelé avant. Aussi l’Allemagne en tant qu’État indépendant de cette situation s’est libérée en reconnaissant le génocide commis. Tandis que dans le cas de la Turquie, les fondements actuels sont les fondations établies sur les cadavres des victimes arméniennes. Toute l’infrastructure turque connait bien cet état de fait. Aussi pour elle, la reconnaissance du génocide des Arméniens est une véritable remise en cause interne. Il faut pour la Turquie actuelle rejeter la fin de l’Empire Ottoman, les Néo Turcs et surtout Mustapha Kemal. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître un crime qui appartient certes au passé mais dont les extensions sont encore bien présentes dans l’avenir de la Turquie. Celle-ci doit se protéger d’elle-même. Voilà pourquoi nous la voyons faire autant de manières lorsqu’un nouveau pays reconnait le génocide des Arméniens. Le dernier exemple en date de la Suède est tout à fait révélateur. La Turquie a rappelé son ambassadeur dans le feu de l’action, au vu et au su de tout le monde. Cependant à présent et ce, dans la plus grande des discrétions l’a réaffecté à son poste. Aussi elle n’a leurré que sa propre population en faisant semblant de réagir aux reconnaissances successives. En réalité elle n’a pas d’autre moyen pour résister à ce travail de fond. Elle se contente d’être superficielle dans ses propos car elle n’a pas le choix sur le plan diplomatique. Elle veut sauver la face alors qu’il s’agit d’un problème d’âme humaine face à l’humanité. Cependant cette difficulté intrinsèque qui ne gêne en réalité que les intellectuels démocrates, ne doit pas servir d’excuse pour justifier non seulement la négation du génocide des Arméniens mais aussi son dénigrement. Car cela ne peut mener nulle part. Le génocide des Arméniens est une réalité, un fait incontestable et sa reconnaissance une nécessité qui ne peut être remise en cause. La compréhension de cette difficulté ne doit nous permettre que de réaliser les obstacles inévitables auxquels nous aurons à faire face pour parvenir à vaincre ces forces de l’obscur.