5564 - Sur le tronc noueux
N. Lygeros
Nous savons tous que le symbole de la paix, c’est l’olivier. Seulement, nous ne pensons pas nécessairement au fait que cet arbre possède un tronc noueux. Serait-ce un indice sur la difficulté à réaliser cette paix tant souhaitée ? Car si l’olivier est bien le symbole de la paix, il est intéressant d’étudier certaines de ses caractéristiques. Et l’olivier n’est jamais droit, jamais haut. Sa discrétion n’est perceptible qu’à proximité ou lorsqu’il se trouve avec ses congénères. Il devient encore plus symbolique dans le jardin. C’est en pensant à l’autre appellation de l’Artsakh, à savoir le Haut-Karabagh qui signifie le haut jardin noir, que nous avons fait la relation. L’Artsakh n’est pas le pays de l’olivier. Le climat est différent. La nécessité des montagnes pour la défense des terres ancestrales ne permet pas une existence facile à l’olivier. Cependant sous l’olivier, le soleil n’a pas disparu. Malgré les pierres d’Arménie, malgré les montagnes de l’Artsakh, le peuple arménien a lui aussi droit à l’olivier de la paix. Certes cet olivier est accessible. Il n’appartient pas seulement à l’utopie de certains penseurs. Néanmoins cet olivier n’a de sens que si la liberté des terres est assurée. Car un olivier qui n’est pas libre, c’est un olivier mort. La paix ne justifie pas tout à l’instar du fait que rien ne justifie un génocide.
Choisir, c’est se priver. Mais ici, nous n’avons pas à choisir. Aussi nous n’avons pas à nous priver. C’est une question de nécessité. Nous ne pouvons accepter ni le génocide de la mémoire, ni l’oubli de la liberté. La libération de l’Artsakh est un fait et pas seulement une donnée qui pourrait être remise en cause par un quelconque subterfuge. Il ne faut pas non plus se laisser aller à une quelconque lâcheté. La reconnaissance du génocide et la liberté de l’Artsakh ne sont pas négociables. Ce sont des réalités sans lesquelles notre vie ne serait qu’une existence, pas même une survie. Le tronc noueux de l’olivier nous rappelle que le chemin de la paix n’est pas rectiligne. Il faut savoir échapper aux différents pièges pour parvenir à ce sort ultime, tout en sachant qu’il ne saurait être que provisoire car la réalité du combat est plus stable que celle de la paix. La guerre n’est une crise que dans le cadre d’une pensée sociale. La pensée stratégique voit en la paix une crise de la guerre. L’approche polémologique est encore plus nécessaire dans des endroits du monde comme le Caucase où nous avons un triple point de contact et des mouvements géostratégiques analogues à ceux des plaques tectoniques. Les pressions exercées ne permettent pas l’existence d’une grande surface. C’est seulement dans la profondeur du temps, ce lieu de la résistance, que nous pouvons apercevoir l’arbre de la paix, l’arbre au tronc noueux, l’olivier et sous l’olivier le soleil de la justice.