5381 - Sur le regard en Artsakh
N. Lygeros
En géostratégie, pour comprendre un pays, il faut commencer par regarder sa carte, car il est difficile autrement d’en avoir une idée globale. Et en ce qui concerne l’Artsakh, la carte est révélatrice puisqu’elle-même représente un champ de bataille pour les négociations. Sur le plan diplomatique, la carte de l’Artsakh est toujours représentée comme une enclave, alors que la réalité est manifestement différente. Aussi quel regard poser sur cette terre arménienne ? Faut-il que ce soit celui de la compassion ou de la revendication ? Sans vouloir faire l’amalgame, les deux aspects sont nécessaires. Car il s’agit d’un peuple qui a lutté pour ce que d’autres ne considèreraient que comme une parcelle de terrain. Seulement, ce terrain, c’est sa patrie. Alors comment pourrait-il l’abandonner ? Quel peuple voudrait perdre sa terre ? Les Azéris ont eu beau vouloir détruire toute trace sur ce territoire revendiqué, l’arménité est toujours présente comme s’il s’agissait d’une mauvaise herbe dans le jardin noir. Cependant même cette insulte est révélatrice de la réalité. Après tout quelle plante appartient plus à une terre que ses mauvaises herbes. Le symbole même de l’Artsakh ne montre-t-il pas Papik et Tatik enracinés dans leur terre ? Tout cela nous prouve que la problématique de l’Artsakh n’est pas seulement d’ordre géostratégique, elle est avant tout humaine car même la religiosité n’est qu’une trace de la présence humaine. Sans oublier que les dragons étaient présents dans ce pays bien avant les saints. Ces quelques hommes ne sont qu’une poignée dans le cadre des négociations des grandes puissances et de leur desiderata, cependant c’est avec une poignée que l’on ouvre une porte, et ce, même si elle est sublime. Le véritable problème de l’Artsakh est une question de jurisprudence. Ses ennemis jurés, les Azéris et surtout les Turcs, ne veulent en aucun cas que l’Artsakh devienne un exemple à suivre. Seulement il est trop tard pour eux car c’est déjà le cas de facto, aussi le de jure n’est plus qu’une question de temps. Et comme il se doit, le temps est avec nous. Ce ne sont donc pas de misérables protocoles qui vont réussir à remettre en question la cause de l’Artsakh, car personne n’a le droit de bafouer la mémoire de ses combattants. Ainsi le regard qu’il faut porter sur l’Artsakh ne doit pas être seulement de l’extérieur et à l’abri. Il ne faut pas hésiter à y aller et même trois fois comme le dit la tradition, pour l’aimer vraiment. Il ne faut pas hésiter à s’approcher de la frontière pour montrer à l’ennemi que nous ne craignons rien et qu’il ne doit pas compter sur notre lâcheté et notre indifférence pour reprendre, à l’aide de protocoles de la trahison, ce que les combattants ont libéré par leur sacrifice et leur regard sur l’avenir.