1689 - Arménité et Droits de l’Homme
N. Lygeros
Les Droits de l’Homme évoluent même si cela n’est pas évident, c’est un fait. Il est vrai que la plupart des personnes les considèrent comme immuables sans même se rendre compte de leur nécessité. En France, grâce à la Déclaration nous avons le sentiment d’avoir achevé une oeuvre fondamentale et c’est le cas. Seulement dans le domaine des droits de l’Homme, il ne suffit pas de respecter un acquis, il faut le revendiquer. Tout au long du XXe siècle, la notion d’arménité via le mouvement arménophile a beaucoup aidé à l’évolution des droits. Il faut aussi préciser le fait qu’avant le génocide des Arméniens, le droit international ne s’était pas doté d’une structure capable d’affronter les bourreaux d’un génocide. De manière directe à travers le génocide lui-même et indirecte grâce à la cause arménienne, l’arménité a joué un rôle moteur dans les droits de l’Homme. Son approche pourrait être qualifiée du point de vue de la théorie des schémas mentaux comme une stratégie de facto. L’arménité n’avait rien à prouver pour être crédible. Elle puisait sa force des survivants du génocide. Personne ne pouvait contester leur existence. Cependant avec le passage du temps, les bourreaux du génocide de la mémoire s’en prennent à cette source. Le mot génocide lui-même doit son existence à l’arménité d’un survivant, sans celle-ci, il n’aurait pas été forgé pour lutter contre les bourreaux de la Shoah. Aussi l’attaque de la notion d’arménité, appartient à un cadre qui dépasse celui de la petite Arménie. Remettre en cause le génocide des Arméniens constitue le fer de lance d’une politique qui consiste à remettre en cause la notion de génocide. Nous n’avons pas le droit de nous désintéresser du problème de la reconnaissance et plus généralement de la réparation, en raison du fait que nous ne sommes pas Arméniens. En réalité, nous devons prendre conscience de la nécessité de cette lutte non seulement pour l’arménité mais pour l’ensemble des droits de l’Homme. Tous nos efforts doivent aller dans ce sens car l’absence d’une reconnaissance peut en cacher une autre et ces crimes contre l’humanité ne doivent pas demeurer impunis. Ce n’est pas seulement une question de principe, c’est avant tout une question de conscience. Dans les droits de l’Homme, nous ne devons pas être soumis aux principes, par contre nous devons défendre les valeurs. Il ne s’agit pas d’un respect du passé mais d’une nécessité du futur. Chacun de nos actes modifie les droits de l’Homme car ces derniers sont des entités dynamiques. Seulement ce point peut devenir négatif si nous ne les revendiquons pas. Car les bourreaux n’ont jamais cessé de lutter pour tout remettre en cause. Via l’arménité, les juristes peuvent avoir un exemple concret à suivre. Leur œuvre a un noyau à partir duquel de nombreuses extensions sont possibles dans le domaine des droits de l’Homme. C’est de cela que nous devons prendre conscience. C’est aussi cela que doivent comprendre les Arméniens pour saisir le rôle des justes. Ces derniers ont une vision plus ample du problème de la reconnaissance. Car il s’agit d’un problème humain. L’important, c’est que le génocide des Arméniens est un modèle de lutte humaine. Le génocide existe. Il représente une source de conscience pour l’arménité et celle-ci, un mouvement à suivre. Nous n’étions pas parmi les victimes, mais chacun de nous peut appartenir à l’ensemble des justes grâce à ses actions. Tel est le message de l’arménité pour les droits de l’Homme.