128 - Mitropoulos, le compositeur
N. Lygeros
La reconnaissance internationale acquise par Mitropoulos en dirigeant les grands orchestres, a “couvert” son activité de compositeur dans sa jeunesse, laquelle n’est pourtant absolument pas insignifiante. Il s’agit d’une production aussi riche en quantité qu’importante, en ce qui concerne la qualité et les éléments innovants qu’elle a apportés à la musique grecque. “Je suis trop plein de musique étrangère pour que je puisse produire la mienne” a écrit l’artiste en 1929 à son amie intime Kathy Katsogianni. Pourtant, malgré toutes les “oppositions” qu’il avait lui-même, sa contribution à l’évolution de la technique de composition en Grèce est indiscutable.
Selon les éléments regroupés par le chercheur et biographe de Mitropoulos, le professeur Apostolos Kostios, l’artiste a commencé à composer dès les premières années de ses études musicales. Durant sa formation au conservatoire d’Athènes, alors qu’il n’avait pas encore atteint sa vingtième année, il a composé les oeuvres “Sonate en do mineur” pour violon et piano (1911) et “Scherzo”, un morceau pour piano. Puis a suivi l’oeuvre “Un morceau de concert” pour violon et piano, qu’il a présentée lui-même en public (au piano, puisqu’il a été un pianiste exceptionnel) avec son professeur, le compositeur belge, chef d’orchestre et violoniste Armand Marsick. “Pourtant ses premières préoccupations de composition lui sont certainement venues lorsqu’il lui manquait encore les connaissances nécessaires pour les transcrire sur la portée” note A. Kostios.
Suivent “La cendre” pour chorale d’hommes, “La danse des faunes, Scherzo fantastique” pour quatuor à cordes et “La sépulture”, avec laquelle il a fait sa première apparition en tant que chef d’orchestre en avril 1915. Environ deux ans après il réapparut devant le public d’Athènes en interprétant exclusivement ses propres compositions, plus précisément les oeuvres “Mon âme” (Sonate), “Etincelles de bonheur” (Scherzo), “Scènes de camp” (Suite), “Sonate pour violon et piano”, “Le coeur de la mère” et “Dernière chanson” (Chansons).
L’opéra “Soeur Béatrice”, la composition pour piano “Pour la Crète, fêtes et joies”, “Kassiané” pour voix et piano, dédiée à son amie Katina Paximou (laquelle a monté l’oeuvre avec ses propres fonds en mai 1920) mais aussi de nombreuses autres oeuvres (” Sonate grecque”, “Pasacaille, Intermède et Fugue”, “Aphrodite Uranie” sur le poème de Anghélos Sikélianos, “Dix Inventions”, “Concerto Grosso”, “Amélie”, etc…) ainsi que l’investissement musical des tragédies “Electre” (1936) et “Hippolyte” (1937), font apparaitre une production riche et diversifiée en ce qui concerne les différents genres dont il s’est occupé : des morceaux pour piano aux oeuvres symphoniques, des duos de musique de chambre aux opéras et aux lieder.
La circonstance suivante est révélatrice des éléments innovants qui souvent caractérisaient la production musicale de Mitropoulos : le 6 juin 1927 durant l’exécution de son oeuvre intitulée “Ostinata in tre parti”, le public est sorti avant la fin du concert exprimant son mécontentement vis à vis d’une musique qu’il ne comprenait sans doute pas.
Ceci n’était qu’un des nombreux obstacles qu’affronta Dimitri Mitropoulos dans sa carrière, soit comme compositeur, soit comme chef d’orchestre. Sa deuxième spécialité est aussi celle qui l’a absorbé, laissant la question de la “composition” au second plan. En tout cas ce qui mérite d’être signalé en observant les parcours musicaux de Dimitri Mitropoulos, de ses premiers pas aux dernières heures de sa vie, c’est qu’à l’encontre de toute opposition, malgré les attaques qu’il subit, celui-ci persista obstinément dans la défense du nouveau en musique, si, bien sûr, il avait de la valeur. Il fut novateur comme chef d’orchestre mais aussi comme compositeur.