6295 - L’accusation de Chatov
N. Lygeros
«Voyez-vous, Grigoreiev, tous ces gens,
Lipoutine, Chigalev et tant d’autres,
comme le fils de Stépan Trophimovitch
et même Stavroguine,
savez-vous ce qui les explique?
La haine. »
L’accusation de Chatov était compréhensible.
Il avait trop souffert lui aussi en Amérique.
Et puis il avait tout perdu.
Il ne lui restait plus que les vestiges.
Il lui fallait donc prier pour la Russie.
« Oui. Ils haïssent leur pays.
Ils seraient les premiers à être terriblement malheureux
si leur pays pouvait être tout à coup réformé,
s’il devenait extraordinairement prospère et heureux.
Ils n’auraient plus personne sur qui cracher.»
Telle est la réalité.
Elle est nécessaire pour la renier.
Elle est indispensable pour l’utopie.
sinon cette dernière n’aurait pas de sens.
Elle est superfétatoire pour les hommes
car ils ne cessent de la changer.
L’accusation de Chatov
n’en est pas moins sincère
mais c’est plutôt un cri de désespoir
ou pire encore
la prochaine prophétie.