5734 - La dimension mentale de la stratégie militaire
Ν. Lygeros
Malgré les bouleversements provoqués par la venue de la bombe atomique dans le domaine de la guerre conventionnelle, encore peu de monde ne réalise vraiment que la stratégie militaire a acquis une dimension et aussi une envergure qui dépasse de loin le cadre restreint de la guerre proprement dite.
La stratégie militaire surtout depuis l’existence de la dissuasion ne se contente plus du réel comme lieu d’action. Une grande partie de sa pertinence dans le monde actuel, c’est sa capacité à créer des événements dans le monde virtuel. Il est donc relativement naturel de voir certains stratégistes placer le cadre de leurs réflexions dans le concept de stratégie mentale.
C’est dans ce nouvel espace mental qu’il est possible d’interpréter efficacement le rôle de la géostratégie mais aussi de définir la topostratégie. La dimension mentale de la stratégie militaire qui lui permet de travailler dans la noosphère n’est que très peu visible au niveau tactique et opérationnel. Néanmoins il ne faut voir rien de mal à cela puisque ces niveaux sont inférieurs à celui de la stratégie, et représentent des incomparables par rapport à la grande stratégie. Cela ne signifie pas pour autant que la dimension mentale est absente à ces niveaux.
Le moyen le plus simple pour se rendre compte de cette réalité, c’est de l’examiner au moyen des négociations qui représentent un outil capable de se situer de manière transversale. Dans ce cadre, il est tout à fait clair que le rôle de l’invisible est tout à fait clair. Et ceci peut aller du simple accrochage entre deux avions, entre deux navires, jusqu’à deux flottes et enfin aux états dans les traités et les conventions. Il est tout aussi clair du point de vue formel, que la théorie des jeux démontre de facto cette dimension puisque l’impossibilité de connaître le positionnement exact de l’autre nous amène non pas à des choix mais à des estimations de choix qui ont la tendance naturelle à créer non seulement un modèle mental mais une véritable théorie mentale.
Ainsi la dimension mentale existe bel et bien, et ce à plusieurs niveaux aussi il ne faut pas s’étonner de l’ensemble de ses répercussions dans le domaine de la stratégie militaire. Il est de plus nécessaire d’insister sur le fait que cette dimension offre bien plus de possibilités pour appréhender les états hybrides de guerre-paix, que nous nommons plus simplement crises. Car c’est sous cette appellation fourre-tout que nous cachons les problèmes d’effet de bord qui doivent être résolus de manière globale.