A luci di u neru

A luci di u neru
Nikos Lygeros
drame en trois actes
Mise en scène Nikos Lygeros
Compagnie Caméléon

Personnages

Lurenzu
Andria
Lena
Anna
Ghjuvani
Petru
Ghjorghju
Dumenicu
Toniu
Santu
Villageois
Un autre
Encore un autre
Voix de l’officier

Musique :
Décor :
Son et Lumière :
Assistant Son et Lumière :
Collaboration artistique :
Collaboration musicale :
Collaboration technique : Groupe Spécial de Recherche et Groupe Télémaque

La mémoire des peuples

L’écriture d’une pièce de théâtre sur le thème de la résistance n’est pas seulement une nécessité de création et un devoir de mémoire dans l’espace mental de la société. C’est en premier lieu et avant tout un hommage à ces hommes du passé qui se sont battus pour des idées et des idéaux ancrés dans le futur. Cependant il ne s’agit pas simplement d’un remerciement passif de la part d’une population reconnaissante mais d’une véritable volonté d’éprouver les mêmes angoisses et les mêmes peurs que ces hommes qui n’étaient que des hommes. Car la compréhension d’un acte de résistance ou de sacrifice est impossible sans la conscience des sentiments éprouvés par ces hommes qui ne seront plus jamais comme avant après cet acte singulier. A l’instar d’îles dans la mer, ces hommes isolés de la population sont devenus les représentants essentiels des peuples en révolte. Et à travers ces histoires toutes différentes et pourtant si semblables, nous avons voulu mettre en évidence l’essentiel de l’histoire. Non pour étudier un processus quelconque de mythification ultérieur, mais pour tenter de comprendre les épreuves de chacun face au malheur de tous. Aussi ce texte écrit sur l’île de beauté n’a aucune vision polémologique. Il est ancré de manière essentielle dans les profondeurs de la nature humaine. Il trace les histoires enchevêtrées des sentiments et des pensées d’hommes en proie à un combat intérieur encore plus émouvant que la lutte qu’il représente.

Cette préoccupation est aussi un hommage au courage de ces femmes sans lesquelles ces hommes ne seraient devenus ce que nous admirons. Il est difficile de vivre de l’intérieur le combat d’un peuple alors qu’il est si facile de voir son malheur dans le regard de ces femmes qui ont perdu l’essentiel de leur vie. Notre vie dans le temps nous interdit de tout vivre mais nous pouvons tout supporter. Combien de fois n’avons-nous pas éprouvé le besoin de caresser le visage de ces veuves, de ces mères sans enfants ? Combien de fois n’avons-nous pas failli devant leur détermination à vivre et à lutter malgré tout ? Ces témoins de l’histoire sont la preuve vivante des crimes contre l’humanité. Elles ne représentent pas seulement la mémoire de ces peuples trahis mais aussi notre conscience humaine. Nous ne pouvons connaître les cause de l’histoire mais aucun de nous ne peut rester insensible face aux regards des femmes vêtues de mort portant à bout de bras comme des icônes sacrées les portraits des disparus.

Combien de combattants et d’innocents ne sont plus que des images immobiles dans le temps ? Tout oppresseur tente d’enfoncer dans l’oubli ses actes les plus barbares en effaçant l’existence-même de ses victimes. C’est pour cela que la mémoire est l’unique moyen de combattre ce coma social dans lequel sont plongés les hommes trahis par l’histoire. Car l’histoire ne connaît pas de morale si ce n’est celle du plus fort. Alors que la mémoire se souvient de l’injustice et du malheur des hommes. Elle ressemble à ces polyphonies où chacun chante à sa manière ce cri qui vient du fond de l’âme. Elle vit en chacun de nous et déplace ainsi la frontière de nos patries. Une patrie sans peuple n’est qu’une tombe sans sépulture alors qu’un peuple même sans patrie vit encore. Il vit le poing levé dans sa nouvelle patrie, la mémoire !

Les revendications des peuples en guerre sont simples, elles se résument à une phrase : vivre en paix. Celles des peuples à qui la guerre elle-même est interdite sont encore plus simples, elles se résument à un mot : vivre !

Nikos Lygeros