THOTH TRISMEGISTE
Ν. Λυγερός
LE PREMIER HERMES, HERMES TRISMEGISTE
Le personnage mythique à tête d’épervier remplit dans le scènes religieuses sculptées sur les grands monuments de l’Egypte des fonctions analogues à celles du dieu qu’à sa tête d’Ibis on n’a pu méconnaître pour l’Hermès égyptien, appelé Thoyth ou Taut par les écrivains grecs et latins. Le dieu Hiéracocéphale et le dieu Ibiocéphale sont représentés dans les bas-reliefs des appartements de granit au palais de Karnac, instruisant un roi d’Egypte placé au milieu d’eux. Ce roi est Philippe, dit Aridée, le successeur d’Alexandre-le-Grand ; sa légende royale, placée au-dessus de sa tête, porte en effet : Le roi, chéri d’Amon-ra, approuvé par le Soleil, fils du Soleil, PHILIPPE. Dans le même bas-relief ce prince est d’abord purifié par le dieu Hiéracocéphale et le dieu Ibiocéphale, qui versent au-dessus de sa tête l’eau sainte s’échappant de deux vases. La même scène existe au palais de Medinet Abou ; mais le roi purifié est ici un des anciens Pharaons dont on n’a point copié la légende royale ; cette scène est également reproduite dans les bas-reliefs qui décorent le portique du grand temple de Philae. L’eau sortant des vases, qu’épanchent les deux divinités, est entremêlée de signes symboliques de la vie divine et de la bienfaisance. A Esné enfin, les personnages Hiéracocéphale et Ibiocéphale semblent instruire ou honorer une femme coiffée de la partie supérieure du Pschent.
Il est évident, par l’examen des monuments qu’on vient de citer, que le dieu à tête d’épervier partage toutes les attributions de l’Hermès égyptien à tête d’Ibis ; et si l’on considère aussi que les personnages instruits ou purifiés font toujours face à Hiéracocéphale, il devient certain que cette divinité est supérieure à l’Hermès Ibiocéphale ; et cette suprématie, comme cette analogie de fonctions, s’expliquent bien naturellement par le fait seul que les Egyptiens reconnaissaient deux Hermès parmi leurs divinités.
Cette distinction importante était positivement exprimée dans l’ouvrage de Manéthon, écrit par ordre de Ptolémée Philadelphe. Ce grand-prêtre égyptien y parlait de THOTH LE PREMIER HERMES, qui, avant le Cataclysme, avait inscrit sur des stèles, en hiéroglyphes et en langue sacrée, les principes des connaissances, et composé ainsi que les premiers livres sacrés, qui furent traduits, après le Cataclysme, en écriture hiérographique (hiératique) et en langue commune, par le fils d’Agathodaemon LE SECOND HERMES père de Tat. Ce passage de Manéthon confirme donc ce que j’avais déjà déduit des monuments seuls, l’existence de deux Hermès. Cette même distinction est expressément établie dans les livres hermétiques, qui, malgré les jugements hasardés qu’en ont portés certains critiques modernes, n’en renferment pas moins une masse de traditions purement égyptiennes et constamment d’accord avec les monuments.
Dans le dialogue sacré d’Isis et d’Horus, qui contient l’exposition de tout le système cosmogonique et psychologique des Egyptiens, le premier Hermès est qualifié de trois fois grand ou trois fois très-grand, de père et de directeur de toutes choses et d’historiographe des dieux. Ces titres donnés au premier Hermès sont, quelque magnifiques qu’ils puissent paraître, justifiés par les actions et le rôle que les mythes sacrés lui attribuaient. Ce dieu, dès l’origine des temps et avant l’organisation du monde physique, fut le seul des immortels qui comprit l’essence du Démiurge ou dieu suprême, et celle des choses célestes ; il déposa ces connaissances dans des livres qu’il voulut laisser inconnus jusqu’à la création des âmes. C’est ce même dieu qui prépara la matière dont furent formés les corps de la race humaine ; il promit alors de rendre ces nouveaux êtres fort doux, et de leur inspirer la prudence, la tempérance, l’obéissance et l’amour de la vérité. Ce furent Osiris et Isis, pendant leur incarnation terrestre, qui firent connaître aux hommes la partie des livres d’Hermès Trismégiste, qui devait régler leur vie intellectuelle et physique. Il résulte enfin de la lecture attentive de ce curieux dialogue d’Isis et d’Horus, qu’Hermès n’est autre que l’intelligence divine personnifiée ; aussi ce dieu est -il appelé par le dieu suprême ou le Démiurge : Ame de mon âme, Intelligence sacrée de mon intelligence, et porte-t-il le titre Intelligens omnia.
in PANTHEON EGYPTIEN de Jean-François Champollion.