5600 - Sur les dragons arméniens
N. Lygeros
Notre vision de la cause arménienne est bien souvent associée à la notion de victime. Ce phénomène est bien sûr dû au génocide des Arméniens. Cependant il s’agit de post-justification. En effet le génocide n’explique pas sa propre existence. Il représente le résultat, l’objectif d’un système qui a considéré que les Arméniens étaient nuisibles à sa propre survie. Le caractère nuisible est certainement une insulte qui cache une réalité, à savoir le caractère dangereux des Arméniens pour l’appareil turc. Mais la question demeure. Pourquoi un peuple de si bas niveau, selon la propagande de l’époque, peut-il être dangereux pour un état si fort à l’instar de son auto-proclamation ? Ce ne peut pas être sa quantité car il est clair que celle-ci est mineure par rapport à la population globale ! Est-ce donc une propriété particulière ? Cette réponse serait raciste dans tous les cas de figure, sauf si nous faisons intervenir le temps. Le peuple arménien est un peuple ancien et ceci est incontestable sur le plan historique. Il en est de même pour sa culture. Il faut donc rechercher ses éléments diachroniques en relation avec la terre. Car ils existent, ils représentent un danger pour un jeune état qui veut remettre en cause l’ensemble du passé. Ces éléments, ce sont ceux qui non seulement se souviennent mais surtout n’oublient pas. Aussi ils ne peuvent être nivelés et ce même par un ordre social et étatique. Si nous tenons compte du schéma mental suivant, à savoir que les légendes, c’est l’essence de l’histoire, un des éléments les plus anciens de la culture arménienne, c’est le dragon, le fameux Vishap. Car le caractère chrétien qui va donner naissance aux Khatchkars et aux lettres de fer est postérieur. De plus, dans une situation conflictuelle, le peuple revient à ses racines pour puiser sa force. Seulement comment déraciner un peuple si ancien par un appareil si jeune ? Telle est la question. Et le génocide est la réponse car il ne peut tuer des symboles.